Depuis quelques années, le Bénin s’est engagé dans une politique de soutien de la riziculture afin de sortir de la dépendance alimentaire. En dépit de ces efforts, les obstacles au développement du petit grain blanc restent nombreux et le pays continue d’importer massivement pour satisfaire ses besoins et ceux de ses voisins. Quel avenir pour le riz local ?
PHOTO 1
De notre envoyée spéciale à Cotonou,
« Tout est foutu ». Sous les pieds, les brindilles craquent. A l’horizon, tout n’est que jaune paille. André Kagpo et ses camarades du groupement de Tohou baissent la tête. Sur cette parcelle de 11 hectares, ils avaient espéré récolter 55 tonnes, à raison de 5 tonnes à l’hectare les bonnes années pour la variété IR841, dominante au Bénin. Pour cette campagne 2016-2017, ce sera zéro.
« Juste au moment de la floraison, il n’y a plus eu d’eau et tout a été grillé », commente Honoré Hossou, président de l’ESOP Lalo (Entreprise de service aux organisations des producteurs) qui arbore pour l’occasion un t-shirt annonçant « Riz du Bénin, riz de demain ». A cette époque de l’année, il aurait déjà dû racheter le riz paddy (brut, non décortiqué) de ces villageois pour le transformer en riz blanchi, prêt à la consommation. Le maïs, qu’ils cultivent aussi, leur permettra de survivre jusqu’à la saison prochaine. Guère plus. La lassitude se fait sentir, d’autant que ce n’est pas la première année que la récolte est perdue. Dans cette zone enclavée du sud-ouest du pays, l’agriculture est encore tributaire des eaux de pluie. Il suffit que la sécheresse sévisse quelques jours au moment où la plante en a le plus besoin, et c’est terminé.
Sur des panneaux engloutis par la brousse, sur les façades des bâtiments, les sigles des programmes d’aide s’alignent : le PUASA de la FAO pour Programme d’urgence d’appui à la sécurité alimentaire, PADA pour Programme d’appui à la diversification agricole, mis en place par la Banque mondiale, PAFIRIZ pour Projet d’appui à la filière riz du Bénin, porté par l’Union européenne et la coopération belge.
PHOTO2
Mais le problème demeure : maîtriser l’eau. « Ils ont aménagé le site, mais sans donner la priorité à l’eau », insiste Honoré Hossou. Les divers appuis ont par exemple contribué à la création d’un magasin de stockage et à l’aménagement de bas-fonds, mais sommaires, c’est-à-dire non irrigués. « Si on va à l’hôpital avec un mal, qu’on n’arrive pas à bien le diagnostiquer, et que le docteur prescrit quelques traitements légers, il y a toujours rechute de cette maladie-là », se désole André qui garde quelques « rancunes » envers tous ces programmes qui, juge-t-il, n’impliquent pas suffisamment les producteurs, et « passent à côté ». Pour bien faire, il faudrait emménager le bas-fond, faire un forage et une canalisation pour acheminer l’eau.
Des obstacles
Maîtrise de l’eau dans un contexte de réchauffement climatique, accès à la terre, aux intrants, accès aux semences de qualités, faible niveau de mécanisation, manque de professionnalisation dans un pays où l’agriculture est essentiellement familiale… Même si le Bénin dispose d’atouts naturels, les défis sont immenses.
A (RE)ECOUTER → Production record de riz en Afrique de l’Ouest
Depuis la crise alimentaire et la flambée des prix de 2008, le Bénin s’est pourtant engagé dans une politique d’autosuffisance. Pour ne pas se retrouver artificiellement affamé par les spéculateurs de la planète riz, il lui fallait produire de quoi nourrir ses 10 millions d’habitants.
VIDEO1
« Par le pa
sé, nous nous sommes trop concentrés sur la filière coton, c’était la seule à bénéficier de l’accompagnement des acteurs publics. La crise de 2008 nous a ramenés à la raison et nous a convaincus qu’il fallait davantage se concentrer sur les filières vivrières, dont le riz », rappelle Dossa Aguémon, directeur de la programmation et de la prospective au ministère de l’Agriculture. Car peu à peu, ces dernières décennies, le petit grain blanc dégusté aux repas de fête s’est imposé comme un aliment de base pour les Béninois. A raison de 25 à 30 kilos de riz par an et par personne, le pays évalue ses besoins à près de 300 000 tonnes. Près de dix ans plus tard, certes la surface emblavée a progressé, le rendement aussi, atteignant 3,15 tonnes à l’hectare. Et la production, marginale dans les années 1990, a bien été « boostée », triplant entre 2006 et 2016 jusqu’à atteindre 151 000 tonnes, selon le ministère américain de l’Agriculture (USDA). Mais le compte n’y est toujours pas. Et ces dernières années des épisodes de sécheresse ont mis en lumière la fragilité du secteur.
Commentaires récents