Les déserts, ce n’est pas le fort des êtres humains. Rien de tel que le silence d’un environnement surchauffé pour faire remonter toutes les aigreurs de ceux qui marchent debout. Ce n’est pas Talon qui me dira le contraire. Lui qui commence son mandat en créant polémique sur polémique et en suscitant des déserteurs parmi ses plus fanatiques supporters.

Son passage récent chez François Hollande, le Président français le plus impopulaire de tous les temps finit par convaincre que ce président là aussi a des soucis avec la communication gouvernementale. A force d’avoir décrié Yayi, Talon serait-il en train de s’engager dans un désert rocailleux où le guettent comme des serpents la vindicte et le mépris de l’opinion publique ? Tout porte à croire que oui.

La dialectique du tout contraire tend un piège au bélier des bassins cotonniers. Yayi a été omniprésent à la télévision ?  Apparemment, Talon a décidé d’y être omni-absent… Yayi a-t-il abusé de toutes les tournures diplomatiques que lui soufflaient ses collaborateurs ? Talon a apparemment juré pour sa part de ne jamais se servir d’une seule d’entre elles.

Si cette remarque s’avérait juste, Talon et les talonnistes peuvent commencer à chercher un bouc à envoyer dans le désert pour expier les conséquences que coûterait au pays leur myopie anti-yayitique.

A force d’avoir décrié Yayi, Talon serait-il en train de s’engager dans un désert rocailleux où le guettent comme des serpents la vindicte et le mépris de l’opinion publique ?

J’espère franchement que ce nouveau gouvernement ne se croit pas toujours en campagne où il suffisait de dire le contraire de ce que disaient les yayistes pour paraître angélique. Ce temps est fini ! Maintenant, Talon n’est plus dans les gradins. Il a beau essayer de se cacher, il est bel et bien sur le terrain. Et le peuple l’observe qui s’apprête à lui offrir ses applaudissements comme la pluie dans le Sahara.

Le Président doit donc jouer. A sa manière certes, mais il doit jouer et marquer des buts. Ce n’est pas vraiment l’impression que nous avons depuis qu’il a pris service. Pour le moment, les béninois ne savent même pas quel dossard Talon arbore sur le terrain caillouteux du désert béninois. Il doit jouer sur notre terrain plutôt que d’aller faire des échauffements sur les terrains d’autres équipes.

On me rétorquera qu’il ne fait que cela. Je suis désolé de devoir répondre que dans le désert de compétences que nous sommes, il n’y a pas encore assez de compétences pour nous dire à quoi notre nouveau Président passe ses journées. François Hollande lui au moins a un programme que n’importe quel quidam peut consulter sur internet.

Je rassure le Président Talon que nous possédons les compétences pour faire la même chose ici sans avoir besoin de recruter des coopérants français ou de rapatrier des cerveaux enfuis. Le compte Twitter du gouvernement ne peut continuer d’être silencieux. Encore moins sa page Facebook. Nous avons des community managers qui savent le faire et qui à eux seuls ont davantage de followers que tous les comptes gouvernementaux additionnés.

Je suis donc de l’avis de ceux qui pensent que le problème de l’incompétence commence avec ceux qui gèrent la communication du Président Talon. Il est inadmissible en effet que notre Président parle davantage à la presse étrangère qu’à son propre peuple. Il est encore plus révoltant de nous rendre compte que plutôt que de reprendre le contrôle des comptes officiels du gouvernement sur les réseaux sociaux, les collaborateurs du Président Talon passent la journée à inonder leurs propres statuts de selfies ridicules. On comprend alors pourquoi ils envoient des rustres comme ce syndicaliste sur l’ORTB il y a quelques jours, porter la voix du Président dans un débat télévisé des plus sérieux.

L’autre chose que Talon doit revoir urgemment en tant que meneur de jeu dans ce désert où la dignité est aussi sacrée que l’eau et l’électricité dont nous sommes privés sans qu’aucune voix officielle ne s’en émeuve, c’est le contenu de ses interviews d’après match.

En fait de rupture, ce que nous connaissons pour l’heure c’est la rupture d’eau, d’électricité et d’essence. J’oubliais celle des compétences mais au moins, ici, on ne rompt pas avec notre fierté.

Les béninois n’excuseront donc pas de sitôt d’avoir été dénigrés devant le monde entier deux fois de suite. Et en plus devant trois présidents qui ne peuvent revendiquer fière réputation dans leurs propres pays. Les dahoméens sont pacifiques mais fiers. Le fait d’avoir détenu dans ce désert le record de gouverneurs dans toute l’AOF n’est pas fortuit.  Notre fierté est l’une des raisons pour lesquelles 65% n’ont pas voulu de Zinsou Lionel.

En fait de rupture, ce que nous connaissons pour l’heure c’est la rupture d’eau, d’électricité et d’essence. J’oubliais celle des compétences mais au moins, ici, on ne rompt pas avec notre fierté.

Seulement, en votant Talon ils n’ont pas bradé leur dignité au point de souffrir de voir leur président « supplier » la France. On ne supplie pas ici. Parfois on demande mais jamais un peuple debout ne supplie. Notre hymne national dit : « enfants du Bénin debout ! » Remarquez bien qu’il ne dit pas « enfants du Bénin à genoux ». Alors monsieur le Président ! Debout !

Parlant de posture, j’en aurai fini avec mon prêche dans le désert en demandant aux béninois de réagir comme ils savent si bien le faire : dans l’action diligente et revendicative.

On nous a traité d’incompétents  malgré les nombreux  talents qu’on nous connaît ? Eh bien, prouvons le contraire en prenant nos responsabilités. Fructifions nos talents et servons notre peuple !

Nous ne voulons pas voir les coopérants français déambuler dans nos administrations à jouer les contremaîtres sous le prétexte de nous former ? Faisons le boulot pour lequel nous sommes payés. C’est cela sinon l’argent de nos impôts risque d’aller acheter la médiocrité de la France. Levons nous et bâtissons !

A partir de ce moment-là, fusse-t-il le Président d’une République désertique, si quelqu’un vient nous traiter de moins que rien,  nous lui apprendrons que les cactus  aiment bien les terrains sablonneux et les températures élevées.

A bon déserteur, salut !

Arnaud Karl Job

arnaudkarljob@gmail.com