Arielle Heaven

Arielle Heaven

Il y a quelques années, j’ai pris part à une réunion à laquelle je n’avais pas été personnellement invitée. A cette époque là, j’avais une telle haine contre le Président Yayi que je ne ratais aucune occasion de démonter tous les arguments incongrus qui tentaient de camoufler sa mauvaise gestion. Alors, quand j’appris que l’un de ses collaborateurs avait initié cette réunion un peu fermée, j’y suis allée avec l’un des invités. Cet homme qui avait lu certains de mes écrits salés à propos de son mentor avait du mal à croire que je puisse venir jusque dans son bureau tenir les mêmes propos. Je n’étais ni irrespectueuse, ni vulgaire, ni arrogante mais je paraissais si sûre de ce que je disais, qu’assis devant moi,il m’ecoutait. Je sentais à mesure que je parlais, que même s’il ne voulait pas admettre la véracité de mes analyses, au moins , il était désormais contraint de ne pas nous servir les arguments habituels que je lisais de lui dans les journaux. Tout ce qu’il répétait, c’était « Il y a des aspects de la politique que vous ne saurez comprendre. ».

Cet homme qui avait lu certains de mes écrits salés à propos de son mentor avait du mal à croire que je puisse venir jusque dans son bureau tenir les mêmes propos.

Lorsqu’on prit congé de lui, je sortis du bureau contente d’avoir damé le pion à l’un des fervents disciples du Président. Quelques jours plus tard, je reçus un coup de fil de lui m’invitant à son bureau. Seule. J’étais un peu surprise mais pas apeurée. Juste méfiante. Je partis, pour l’entendre me demander au bout de quelques minutes qui était mon parrain politique. C’était tellement la dernière question à laquelle je m’attendais que j’eus un grand rire. Cet homme était persuadé que jamais je n’aurais eu le courage d’écrire tout ce que j’écrivais sur la toile, ni même de venir à son bureau la première fois sans invitation lui répéter mes propos, si je n’avais pas quelqu’un qui me finançait pour le faire. Je l’ai regardé d’un air amusé, lui disant que je n’avais aucun parrain politique. Avait-il cru à ce que je disais, je n’en ai aucune idée. Mais ce jour-là, il m’offrit une opportunité légale d’une valeur d’un million de francs CFA, pour participer à un projet au cours duquel, selon ses dires, mes talents d’oratrice et ma brillante intelligence auraient beaucoup à gagner. Je l’en ai remercié et quelques minutes avant de quitter son bureau, il me dit « J’espère que j’aurai le plaisir de vous avoir dans mon équipe bientôt ». Avec le sourire, je répondis  » Si entre temps vous changez d’équipe, ce sera un plaisir ». Il me serra la main et me regarda avec un sourire qui semblait dire « Sacré bout de femme »…

Nous sommes dans un pays où la jeunesse a tellement vu ses intérêts brimés qu’elle se voit parfois contrainte par la pauvreté de devoir accomplir les rêves des politiciens avant d’avoir les moyens d’accomplir les siens.

Aujourd’hui, nous sommes dans un pays où la jeunesse a tellement vu ses intérêts brimés qu’elle se voit parfois contrainte par la pauvreté de devoir accomplir les rêves des politiciens avant d’avoir les moyens d’accomplir les siens. Les rares fois où j’allume la télé, je vois une jeunesse devenue menteuse pour survivre, aveugle pour manger, sourde pour se réaliser. Une jeunesse que les pas titubants de la faim mènent au palais présidentiel pour applaudir la médiocrité des conditions qu’on nous offre. Une jeunesse qui a fini par oublier ses droits, tant on a fini par lui inculquer que chaque action en sa faveur est un service qui lui est rendu. Des jeunes dont les mères entendent dire par le Président « Je vous aime » , et qui pourtant se retournent toute la nuit dans leurs lits, le ventre tenaillé par la faim.. Cher Président, si votre amour pour nos mères ne vous empêche pas de nous tenir affamés, inemployés,bafoués, lésés, nous vous en conjurons, cessez de les aimer. Car votre amour semble bien tenir de l’adage « Qui aime bien, châtie bien « .

Arielle Heaven.