Arielle Heaven

Arielle Heaven

Il y a encore deux ans, lorsque vous veniez dans ma ruelle, la première chose insolite qui vous tapait à l’œil, c’est la vue d’un jeune homme baraqué en … caleçon. Comme si cela ne suffisait pas pour vous choquer, vous le voyez se diriger vers un adulte qui sort du voisinage, le saluer très respectueusement et même tenir quelques minutes de conversation. Alors vous vous rendez compte d’une évidence encore plus choquante : cet homme que vous croyiez fou ne l’est pas. Plusieurs fois des amis sont entrés chez moi, l’air perplexe, me demandant « Mais c’est qui ce gars-là qui se promène quasi nu dans ta vons là ? » .

Je répondais toujours avec un sourire amusé « Ah Johnny? Il prenait certainement de l’air ». Bref, mon petit voisin de 20 ans était choquant mais je l’aimais ainsi. D’un amour profond et particulier. Il m’arrivait parfois de recevoir la visite de sa grande soeur avec qui j’ai fait la même classe. iI m’arrivait également de rendre visite à ma voisine. Mais malgré la fréquence de nos relations, jamais je n’ai su établir un lien affectif aussi étroit avec elle. Pour Johnny, mon cher et tendre Johnny, il en était autrement.

Il m’arrivait de descendre d’une grosse voiture ou d’un zem, de rentrer à pied même s’il le faut, et de voir Johnny venir à moi. Peu lui importe que la personne avec qui je suis soit en costume ou en jeans, il venait, saluait poliment et me prenait chaleureusement dans ses bras en disant « Arie de Johnny » … qu’il soit en caleçon ou en jeans.

Jamais je ne suis embarrassée en présence de mes amis. Ce jeune homme, à l’apparence de Rick Ross et aux fréquentations que je n’apprécie pas toujours, possède une spontanéité telle que j’en ai toujours été touchée. Il a ce petit quelque chose qui m’émeut et qui surprend sa soeur et les miens. »Mais qu’est-ce que tu peux bien lui trouver ? Johnny est trop bizarre ! « . Seulement, ils ignorent que derrière sa façade superficielle se cache un coeur généreux, une nature vraie qui ne cherche pas à se montrer autrement que ce qu’elle est.

Il m’est arrivé de sortir des cours à 22h avec une seule pensée : dormir. Mais quand je viens à mon portail et que je vois Johnny perdu dans ses pensées, j’oublie mon plan initial et on s’asseoit là, à discuter de la dernière fille qui lui a brisé le coeur ou de la nouvelle fille dont il est amoureux, ou encore des difficultés rencontrées dans ses études. Il se livre à moi avec une franchise si déconcertante qu’il m’est arrivé de lui faire en retour des confidences que personne ne sait. Lorsque je finis, je le quitte toujours avec un conseil judicieux ou la sensation d’avoir été pleinement écoutée et comprise. C’est tout à fait mon Johnny : il me fait me sentir spéciale.

A présent, il ne vient à son portail qu’habillé, on se voit nettement moins mais la force de nos rapports m’a fait réaliser une chose hier nuit. Mon portable qui est toujours sur silencieux à partir de 22h avait attiré mon attention par son écran qui clignotait, signalant un appel à 22h36. D’habitude, je ne décroche aucun appel dès 22h mais là il s’agissait de Johnny. Somnolente, j’appris qu’il avait besoin d’un appareil que j’ai et je proposai de le lui laisser pour la nuit. Comme à son habitude il me remercia chaleureusement en promettant venir sur le champs le chercher.

Munie de l’appareil, je descendis, le croyant à mon portail d’un instant à un autre. En vain. Je l’appelai pour l’entendre me dire « Chérie, je suis en ville en fait. Je viens tout de suite. ». C’est le genre de phrase qui m’aurait automatiquement rendue furieuse, venant de n’importe qui. Mais à ma grande surprise, je m’assis patiemment dans le garage, attendant qu’il vienne. Lorsqu’il vint finalement après 23h, ce fut pour me demander si j’avais la monnaie de 2000 francs pour payer le zem, comme si je me promenais dans ma maison la nuit avec des pièces de monnaie. Je dus remonter dans ma chambre avant de le satisfaire.

Une fois sa préoccupation réglée, il entreprit me raconter qu’il vennait de la gym et ceci nous prit encore quelques minutes. Au lit vers minuit, j’ai hôché la tête en me disant « Sacré Johnny ».

Je savais que n’importe quelle autre personne m’aurait énervée en me faisant ainsi gaspiller mon sommeil mais pas lui, simplement pas … Johnny. Je savais que je ne me serais montrée aussi disponible pour personne d’autre que lui, mais parce que les rares fois où nous nous voyons, il me fait me sentir spéciale, je me devais de témoigner vis à vis de lui une attitude spéciale, bien qu’il paraisse aux yeux des autres un peu foufou..

La vérité est que très souvent les gens jugent votre relation avec Dieu par la fréquence de vos prières et visites à l’église. Les gens sont bluffés par votre connaissance de la Bible. Alors, lorsque les problèmes surviennent et que vous appelez Dieu que ce soit à une heure tardive ou matinale, les gens s’attendent à Le voir se manifester automatiquement. Ils attendent en vain. Pendant ce temps, le présumé rebelle du quartier, celui qu’on ne voit jamais aller à l’église, lui il prie et Dieu suspend séance tenante toutes activités dans les cieux pour descendre répondre.

Moralité : ce n’est pas la fréquence de vos rencontres avec Dieu qui vous accorde Sa faveur mais plutôt la qualité de votre relation avec Lui. Faites Dieu se sentir Spécial quand vous venez à Lui et Il vous fera vous sentir spécial quand vous avez besoin de Lui…

 Arielle Heaven